Garantir l’autosuffisance en produits sanguins : un impératif de souveraineté sanitaire 

Panel d’experts à SantExpo 

Garantir l’autosuffisance en produits sanguins : un impératif de souveraineté sanitaire  »

Introduction  

Selon une étude menée par le EU Policy Lab en 2023, près de 15 millions de donneurs de sang fournissent chaque année en moyenne 25 millions d’unités (de poches) de sang en Europe. Ces dons sont essentiels dans le quotidien de centaines de milliers de patients, pour assurer des transfusions d’urgences par suite d’une hémorragie, ou pour assurer la prise en charge chronique de maladies rares telles que les maladies du sang ou les cancers. La collecte de sang est également primordiale pour la fabrication de médicaments dérivés du sang, fabriqués industriellement par fractionnement du plasma pour traiter des maladies telles que l’hémophilie et les immunodéficiences. 

 Au niveau européen, la mandature qui s’achève a été marquée par l’adoption du règlement sur les substances d’origine humaine (Soho) qui ouvre la voie à une amélioration de la sécurité et la qualité du sang, des tissus et des cellules utilisés dans les soins de santé. Dans la continuité de ces travaux, le Parlement européen renouvelé, mais aussi les instances nationales lors des transpositions et adaptations des règlements européens, devront maintenir une réflexion autour des enjeux de la filière sang, notamment pour créer les conditions favorables à l’autosuffisance de l’Europe en produits sanguins. C’est pourquoi, dans le cadre de la stratégie d’affaires publiques menée à l’occasion de la campagne des élections européennes pour 2024, Macopharma a développé un position paper à destination des différentes têtes de liste, pour porter les différents enjeux de plaidoyer permettant de garantir l’autosuffisance de l’Europe en produits sanguins. 

 Dans ce contexte, un panel d’experts s’est réuni à SanteExpo le 22 mai dernier, au cours duquel les échanges se sont concentrés sur les actions à mettre en place pour garantir l’autosuffisance en produits sanguins en France et en Europe. Cet échange était animé par Salomé Chelli-Enriquez, Directrice de RPP France, et en présence de Stéphane VIRY, député des Vosges et membre de la commission des affaires sociales, Laurent BUTOR, adjoint à la sous-directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins à la DGS, ainsi que Caroline HERNU, CEO de Macopharma. 

 

  • L’autosuffisance en produits sanguins, prérequis à la souveraineté sanitaire  

Selon le European Blood Alliance, entre 67 000 et 70 000 unités de sang sont nécessaires chaque jour dans l’Union européenne (UE) pour répondre à l’ensemble des besoins précédemment cités. Faute de donneurs et de stocks suffisants certains états membres collectent moins de 10 dons pour 1000 habitants. 

Pour éviter la pénurie, certains États comme la France sont contraints d’importer des États-Unis 65% de leur plasma et deux tiers des médicaments dérivés du sang, créant ainsi une situation de dépendance dangereuse en cas de repli protectionniste des Etats-Unis ou du développement d’un agent infectieux qui rendrait ce plasma inutilisable. 

 Sur ce point, Laurent Butor souligne les bonnes performances de la France en matière de collecte de sang, qualifiant le pays de « lumière du monde » sur ce sujet. En effet, pendant la crise sanitaire, la France n’a manqué d’aucune poche de sang, mais pour lui, le renouvellement des donneurs reste un enjeu majeur. Il souligne l’importance stratégique de la DGS dans la collecte de sang en France, et la protection de l’EFS.  Selon lui, le modèle français, géré par l’Établissement Français du Sang (EFS), est efficace mais encore trop complexe. Il souligne l’importance de concilier la collecte de sang et le don avec le marché des médicaments, très intégré et global. Laurent Butor souligne également que des certifications, comme un label « Made in Europe », pourraient inciter à la relocalisation de la production en Europe, à condition que son déploiement soit soigneusement planifié et concerté avec les PME. 

 Sur le sujet des donneurs de sang, Stéphane Viry souhaite que l’Établissement Français du Sang (EFS) puisse revoir ses pratiques de collecte pour augmenter le nombre de donneurs potentiels Selon lui, le problème ne réside pas uniquement dans le manque de donneurs, mais aussi dans les obstacles limitant les capacités de l’EFS à prélever du plasma, tels que le modèle économique complexe, les grandes distances à parcourir pour donner son sang, la réduction du nombre de centres de collecte et la limite d’âge des donneurs. Selon lui, pour améliorer la situation, des mesures législatives sont nécessaires. En ce sens, il a récemment déposé une proposition de loi visant à permettre aux jeunes de donner leur sang dès 17 ans. Pour le député, il est également essentiel que le ministère de la Santé soutienne et finance adéquatement l’EFS. 

Caroline Hernu souligne le rôle crucial de l’industrie dans l’approvisionnement en produits sanguins. Par la fourniture continue de dispositifs médicaux pour la collecte et la transfusion, l’industrie joue un rôle important pour tendre vers l’autosuffisance. Elle précise que Macopharma fournit 60 % des kits de transfusion en Europe et que 85 % de ses produits sont fabriqués en Europe. De plus, Macopharma est la seule entreprise du secteur à être certifiée ISO 22301, une norme exigeante en matière de stratégies d’achat qui garantit la mise en place par l’entreprise d’une politique de continuité́ de fourniture de ses produits, démontrant ainsi la capacité de Macopharma à anticiper les perturbations pour maintenir et préserver son activité́. 

Caroline Hernu précise que les dispositifs médicaux de Macopharma permettent également de prélever du sang total d’un seul donneur, obtenant ainsi les trois composants sanguins nécessaires : plasma, globules rouges et plaquettes. Ces dispositifs médicaux assurent une collecte efficiente et soutiennent l’autosuffisance en produits sanguins. Elle souligne également le besoin imminent de sensibiliser la population.  

  • Garantir la sécurité transfusionnelle par l’accès à des DM sûrs de qualité, et innovants 

Les nouveaux règlements sur les dispositifs médicaux et les perturbateurs endocriniens nécessitent une préparation rigoureuse pour l’adaptation des entreprises de dispositifs médicaux. Laurent Butor rappelle que les nouvelles règles européennes visent à harmoniser les exigences de sécurité. Selon lui, il est primordial que le ministère de la Santé participe activement à sensibiliser les industriels sur ces enjeux. Stéphane Viry considère la nouvelle réglementation bonne et réfléchie, car elle apporte plus de rigueur et de sécurité. Pour soutenir les PME qui constituent le maillage des dispositifs médicaux, deux solutions s’imposent selon lui : simplifier les démarches administratives et éviter de les surcharger. Les directives doivent être claires et les nouvelles exigences facilement compréhensibles tout en promouvant l’innovation. Caroline Hernu, dont l’entreprise a intégré la recherche et l’innovation dans son environnement quotidien rappelle qu’il ne faut pas que de nouveaux textes viennent à l’encontre de ces dynamiques d’innovation.  

Caroline Hernu précise que 70% des équipes en R&D et en affaires règlementaires s’occupent de transposer les dispositifs médicaux vers le nouveau règlement depuis déjà 5 ans, voire 10 pour les aspects scientifiques. De plus, pour certains dispositifs de Macopharma, il faut répondre à 10 normes différentes ce qui lui semble trop important. Bien que des améliorations aient été remarquées, elle exprime le souhait de voir se généraliser les démarches de simplification administratives, la réduction de la superpositions des normes et des délais plus raisonnables pour la revue des dossiers et la mise en conformité. Enfin, dans le cadre de la mise sur marché de dispositifs médiaux innovants Caroline Hernu insiste sur le besoin de reconnaissance mutuelle des études et autorisations accordées dans un pays de l’espace européen, mettant ainsi fin au non-sens de la validation d’un dispositif médial dans un pays A alors que son voisin B ne l’autorise pas.  

Conclusion  

En conclusion, les intervenants ont souligné le besoin de collaboration à tous les niveaux. Selon eux, il est crucial d’apporter un plein soutien aux entreprises européennes produisant des dispositifs médicaux, et de leur accorder de la confiance en les encourageant à innover. À ce titre, Laurent Butor, Stéphane Viry et Caroline Hernu attendent beaucoup de la prochaine mandature du Parlement européen, convaincus qu’avec une réelle volonté politique, ces décisions doivent être prises et appliquées à l’échelon communautaire.  

 

Pour visionner la table ronde : https://youtu.be/8bD5WSUDPME